L’éducation est une discipline qui permet le développement des facultés intellectuelles, morales et physique.
Celle-ci est dévolue à l’Éducation Nationale et aux parents qui disposent de l’autorité parentale sur leurs enfants mineurs.
Pour comprendre la règle de droit, il convient de faire quelques détours historiques.
Il y a lieu de prendre la mesure de l’éducation reçue par une frange de la population sous l’Ancien Régime (aristocratie et haute bourgeoisie), qui à la suite de la Contre-Réforme, met la figure de la Vierge Marie en position centrale. Il s’agit d’unifier l’enseignement confié à des congrégations enseignantes dont la mission est conçue comme une sublimation de la maternité.
L’enseignement catholique est malmené sous la Révolution, mais ne remet pas en cause les grands principes.
« La patrie a seule le droit d’élever ses enfants ; elle ne peut confier ce dépôt à l’orgueil des familles ni aux préjugés des particuliers ».
ROBESPIERRE, 18 floréal an II (1794)
Napoléon 1er met en place une administration publique centralisée, une sorte de congrégation laïque concourant à la réalisation d’une même fin, à une unité morale et qui est loyale à l’empereur.
L’école laïque pour tous, fondée par Jules Ferry sous la IIIème République, n’est pas très éloignée de ce modèle qui paradoxalement, veut prouver l’efficacité de son éducation morale, pour se démarquer de l’école catholique. L’enseignement est confié essentiellement aux femmes célibataires.
« L’institutrice qui reste fille trouve dans l’éducation des enfants d’autrui la satisfaction de ce sentiment maternel, de ce grand instinct de sacrifice que toute femme porte en elle ».
(Jules Ferry au Congrès pédagogiques des instituteurs, avril 1881)
Ce qui fait dire à Émile DURKHEIM que : « l’église a inventé l’école sous une forme institutionnelle forte à l’instar d’un sanctuaire, parce qu’elle avait un projet d’emprise universelle sur les âmes … ».
Selon le sociologue François DUBET, les programmes institutionnels empruntent à la logique des ordres religieux. Les églises, les hôpitaux, les écoles et les tribunaux sont des temples, des espaces incarnant une règle universelle protégés des désordres du monde. (…) La vocation (sacrée) l’emporte sur le professionnalisme (engagement profane). Les écoles normales d’instituteurs ressemblaient à des séminaires, les écoles d’infirmières étaient dirigées par des religieuses, et les travailleurs sociaux étaient issus du militantisme philanthropique. Les représentants de ces institutions puisaient leur légitimité non seulement dans leur savoir technique, mais également dans leur adhésion aux valeurs morales de leur institution et leur sacrifice par le célibat, puisqu’ils sont dévoués aux autres. Leur autorité charismatique repose sur leur légitimité sacrée. (lire « les profs l’école et la sexualité » de Claude Lelièvre, Francis Lec, Ed. O. Jacob)
Ce monde est quasiment révolu, même s’il subsiste certains aspects. Le tournant a été pris dans les années 1960 et les multiples réformes qui ont suivi.
La sanctuarisation fait place à l’individu, la discipline aux choix, l’interdit à ce qui est possible de faire, l’éducation et les instructions morales sont supprimées en 1985, les enseignants n’ont plus à justifier de leur vie privée et disposent de la liberté d’expression, la famille concourt à l’éducation de ses enfants (article L111-2 du code l’éducation nationale) et les enfants deviennent sujets de droits, notamment celui d’être entendu en cas de séparation des parents (article 388-1 du code civil), ou pour donner son consentement à l’acte médical (article L111-2 al 5 ou article L1241-3 du CSP), ou d’accomplir certains actes médicaux comme la contraception et l’interruption de grossesse (L5134-1 du CSP) …
L’éducation est la raison d’être de l’autorité parentale et le Législateur reconnaît aux parents un pouvoir d’action et de décision sur leurs enfants, et l’Administration peut se substituer aux parents défaillants (ex l’assistance éducative, le maire…)
(article 131-10 du CE – rôle du maire en cas de déscolarisation)
L’autorité parentale trouve son fondement dans les droits et obligations des parents sur leur enfant mineur, et la finalité de cette autorité est l’intérêt de l’enfant, notamment en ce qui concerne son éducation. (art. 371-1 du cc)
Par exemple, l’intérêt de l’enfant prime sur les convictions religieuses, philosophiques ou de santé des parents.
(article 227-17 du CP sur les poursuites pénales des parents en cas de refus de soins,
– QPC du 20.03 du Conseil Constitutionnel sur l’obligation de vaccination
Les parents sont donc libres d’éduquer leur enfant comme ils le souhaitent, mais différents textes fixent les limites de cette liberté dans nombre de domaines.
1°/ L’enfant a droit à l’éducation :
(art. 26 de la déclaration universelle des droits de l’homme, art. 28 de la Convention internationale des droits de l’enfant, articles L 111-1, L131-2, L131-10 du code de l’éducation nationale)
Ainsi, l’Italie est condamnée en refusant une aide spécialisée pour soutien scolaire à une enfant autiste.
(CEDH 10 sept. 2020, GL / Italie N° 59751/15)
Il appartient aux parents de choisir le genre d’éducation, l’établissement scolaire public ou privé, d’assurer eux-mêmes l’instruction bien que la loi du 24 août 2021 en a limité les possibilités, de décider de l’orientation scolaire, du choix des langues, des filières, d’opter éventuellement pour arrêter les études, cependant l’enfant a droit à poursuivre sa scolarité à la charge des parents au delà de la scolarité obligatoire (16 ans), notamment lorsqu’ils sont majeurs.
(article L 122-2 du code de l’éducation)
Les juges refusent généralement de se substituer aux parents dans le choix de l’établissement scolaire, notamment lorsque l’un des parents souhaite sortir l’enfant de l’enseignement public pour l’envoyer dans un établissement privé sans l’accord de l’autre. (Versailles, 27 octobre 2016, RG 15/05533)
Entre un père juif qui choisit de mettre son enfant dans une école publique et la mère catholique qui souhaite mettre l’enfant dans une école confessionnelle, la cour d’appel de Douai a tranché en faveur de l’établissement laïc, afin que les convictions religieuses de l’un des parents ne l’emporte sur l’autre. (Douai, 28.08.2014, N° 14/5205)
Il appartient aux États de respecter les convictions religieuses et philosophiques des parents à l’égard de leurs enfants se qui impose pour chaque État donc un pluralisme éducatif.
(article 2 du protocole 1 de la CEDH)
Ces enseignements doivent être diffusés de manière objective, critique et pluraliste sans poursuivre un but d’endoctrinement, … (CEDH 7 déc. 1976, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c/ Danemark, in SUDRE , CEDH, 3 juin 20, Mahi / Belgique N° 57462/19 – limites à la liberté d’expression de l’enseignant qui conteste la sanction de déplacement disciplinaire)
… et le Conseil d’État considère qu’une campagne d’information sur la contraception à destination des collèges et lycée participe à cet objectif et est donc légale.
(CE 6 oct. 2016, req. nos 216901, 217800, 217801 et 218213, Assoc. Promouvoir et autres
2°/ L’enfant a droit à la formation professionnelle :
La formation professionnelle prolonge la scolarité de l’enfant, même lorsqu’il est majeur. Cependant le rôle des parents s’amenuise avec l’autonomie grandissante de leurs enfants. Ainsi le contrat de travail est signé par l’enfant mineur, mais avec l’accord des parents (article L 4351-1 du code du travail).
3°/ L’enfant peut s’engager dans l’armée :
S’il est mineur, l’accord d’un seul parent suffit.
(CE, 7 oct. 2016, N° 392722).
4°/ L’enfant peut recevoir une éducation religieuse :
Le contentieux sur le prosélytisme est important. Il y a deux principes à retenir. Le choix religieux des parents sur leur enfant s’impose aux tiers. Ce choix ne peut se réaliser sans le consentement de l’enfant à partir d’un certain âge.
(Civ. I, 23 sept. 2015, N° 14-23724 sur le refus du baptême par l’enfant)
Cependant, les parents peuvent s’opposer à une sortie du territoire à leur enfant mineur radicalisé.
(CE 26 avr. 2017, N° 394651 – sur la responsabilité de l’État)
Le port de signe ou tenue religieux est interdit dans les établissements d’enseignement public.
(article L 141-5-1 du code de l’éducation nationale,
CEDH 4.12.2008 Dogru / France, N° 27058/05 – sur le foulard islamique)
5°/ L’enfant et le droit d’association :
Au visa de l’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901 : « tout mineur peut librement devenir membre d’une association… ».
La gestion de l’association dépend de l’âge de l’enfant.
6°/ L’enfant peut se syndiquer :
L’enfant salarié (plus de 16 ans) peut adhérer au syndicat de son choix. (article L 2141 du code du travail)
Les parents n’ont pas d’autorité sur ce choix.
7°/ L’autorité parentale est conjointe aux deux parents :
Quelque soit l’âge de l’enfant, l’autorité parentale est conjointe aux parents. Si ce principe existe depuis les lois du 4 juin 1970 et 22 juillet 1987, il est consacré par les lois du 8 janvier 1993 et du 4 mars 2002 cette dernière proposant la résidence alternée, même en cas d’opposition de l’un des parents.
Les deux parents ont donc les mêmes droits et mêmes devoirs dans l’éducation de leur enfant par application de la loi.
(ancien article 310, articles 371-2 et 372 sur l’exercice conjoint de l’autorité parentale, article 365 al 1 sur les droits de l’adoptant simple, article 358 du code civil sur l’adoption plénière
– Cour constitutionnelle allemande du 21.07.2010 sur la suppression de l’impossibilité du père d’exercer l’autorité parentale sans l’accord de la mère, après la condamnation de l’Allemagne par la CEDH en 2009.
– CEDH 3 déc. 09, Zaunegger / Allemagne, CEDH 3, fév. 2011, Sporer / Autriche)
– Civ. I, 4 nov. 2010, N° 09-15302 – le jugement étranger qui réduit le droit du père lorsque sa « maîtresse » se trouve en présence de ses enfants porte atteinte à l’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale et le respect de la vie privée).
– Civ. I, 16 fév. 22, sur le droit de l’enfant a être entendu et le refus non motivé du JAF)
La loi bioéthique de 2 août 2021 permet dans certaines circonstances aux couples de femmes d’exercer conjointement l’autorité parentale sur l’enfant de l’une d’elle.
(article 372 du CC)
8°/ La délégation de l’autorité parentale
Les dispositions de l’article 377-1 du CC permet au juge de déléguer l’autorité parentale à un tiers pour les besoins d’éducation de l’enfant, ce qui permet de facilité l’organisation de la vie de l’enfant.
9°/ L’assistance éducative et tutelle :
Les actes relatifs à l’autorité parentale peuvent être exercés par la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant a été confié en raison de défaillances des parents.
(articles 375-7 al 2, 380 du CC).
En résumé :
Si l’éducation relevait d’une prérogative religieuse ou de l’État au profit d’une certaine catégorie d’enfants afin de leur transmettre un savoir dans un cadre moral unifié, cette éducation qui s’est généralisée à la fin de la IIIème république, relève aujourd’hui à la fois de l’État et des parents, avec la collaboration de l’enfant.
Cette multiplicité des autorités chargées de l’éducation de l’enfant a prouvé son efficacité, bien qu’elle soit une source naturelle de conflits.
Lorsque les adultes ne parviennent pas à s’entendre sur les solutions, l’Administration peut prendre des mesures coercitives sous contrôle du juge (administratif, judiciaire ou répressif) et les parents peuvent soumettre leur différend au juge compétent, ou rechercher un règlement des conflits amiables par le truchement d’avocats, de conciliateurs de justice ou de médiateurs.
(article 373-2-6 du CC, Cass I, 8 novembre 2005, N° 02-18 360 – sur la compétence du Juge aux Affaires Familiales (JAF),
(Civ. II, 14 janv. 1998, JCP 1999. le juge ne peut prendre en considération les sentiments du mineur que dans la mesure où ils sont exprimés).
Dans tous les cas, les conseils de l’avocat vous éclairent sur vos droits et devoirs, et vos intérêts et ceux de l’enfant peuvent être également défendus devant l’Administration, conseils de discipline, et autres juridictions ou dans le cadre de règlements amiables ces derniers ayant le mérite d’être rapides, efficaces et peu onéreux.
Maître Roland LEMAIRE Avocat